Dysfonction sexuelle chez les femmes victimes d’agression sexuelle dans l’enfance
Conséquences des violences sexuelles sur mineur sur la santé sexuelle des femmes
Extrait de la publication Sexual Medicine Reviews, Édition 2018;6:188-200
Conséquences des violences sexuelles sur mineur sur la santé sexuelle des femmes : analyse détaillée – Carey S. Pulverman, Ph.D., Chelsea D. Kilimnik, M.Sc, et Cindy M. Meston, Ph.D.
Les sévices sexuels sur mineur ont été identifiés comme facteur de risque important de dysfonctionnement sexuel à l’âge adulte : en effet, les taux de dysfonction sexuelle chez les femmes ayant été victimes d’agressions sexuelles pendant l’enfance sont beaucoup plus élevés que chez les femmes n’ayant pas subi de violences. Dans le présent article, nous allons examiner la prévalence des troubles sexuels à partir de différentes études, les caractéristiques des violence qui accroissent le risque de dysfonctionnement sexuel et la prévalence de divers types de troubles sexuels rapportés par les femmes victimes de violences sexuelles durant l’enfance.
Taux de prévalence
La prévalence du dysfonctionnement sexuel parmi les femmes ayant subi des sévices sexuels pendant l’enfance a été étudiée auprès d’échantillons divers : aléatoires, cliniques, communautaires et universitaires. Pour pouvoir déterminer le taux moyen de dysfonctionnement sexuel chez les femmes ayant vécu des violences sexuelles pendant l’enfance, nous nous tournons vers les échantillons aléatoires. En utilisant les données issues de l’enquête nationale sur la santé et la vie sociale réalisée auprès de 1749 femmes, Laumann et al ont découvert que 17% d’entre elles déclaraient avoir été victimes d’agressions sexuelles pendant l’enfance, et que 59% de ces dernières indiquaient avoir des difficultés sexuelles. Mullen et al ont découvert une prévalence de 32% lors d’un sondage auprès de 1376 femmes. 47% des femmes avec des antécédents de violences déclaraient souffrir d’au moins 1 trouble sexuel, ce qui représente un rapport de cotes de 2.44 pour le risque de dysfonctionnement sexuel après violence sur mineur. Dans le cadre d’une autre étude auprès de 898 femmes, la prévalence des sévices sexuels pendant l’enfance était de 35%. 25% des femmes victimes d’agressions sexuelles sans pénétration pendant l’enfance et 32% des femmes victimes d’agressions sexuelles avec pénétration lorsqu’elles étaient mineures avaient développé des troubles sexuels. Pour résumer, les taux de dysfonction sexuelle parmi les femmes ayant des antécédents de sévices sexuels durant l’enfance varient entre 25% et 59% dans les études aléatoires.
Bien que les échantillons aléatoires fournissent les estimations les plus représentatives et généralisables, des études cliniques, communautaires et universitaires ont aussi été réalisées pour mesurer cette prévalence. Les échantillons cliniques, qui se composent généralement de femmes à la recherche de traitement pour des problématiques sexuelles ou de santé mentale, ont tendance à donner les taux de dysfonctionnement sexuel les plus élevés. Dans le cadre des études auprès de femmes victimes d’agressions sexuelles pendant l’enfance participant à une thérapie sexuelle, 63% à 94% d’entre elles indiquent une dysfonction sexuelle. Dans un autre échantillon clinique de femmes ayant des antécédents de violences mais qui n’étaient pas à la recherche de traitement, 84% d’entre elles signalaient un dysfonctionnement sexuel. Des taux similaires ont également été observés sur des échantillons communautaires. Les études communautaires comparent la santé sexuelle entre deux groupes : un échantillon de femmes victimes de violence et un échantillon de femmes n’ayant pas subi de violences mais présentant des caractéristiques démographiques similaires. Lors d’études communautaires, entre 26% et 85% des femmes victimes de sévices sexuels pendant l’enfance rapportaient un dysfonctionnement sexuel. L’une de ces études a expliqué qu’elles avaient 50% plus de risques de développer un dysfonctionnement sexuel par rapport aux femmes n’ayant pas connu de sévices. En outre, certaines études communautaires ont identifié des taux de dysfonctionnement sexuel plus élevés chez les femmes victimes de violences pendant l’enfance par rapport aux femmes n’ayant pas connu de violences, mais elles ne donnent pas les taux individuels pour chaque groupe. Une étude en particulier ne dénota aucune différence dans le taux de dysfonctionnement sexuel entre les deux groupes; cependant, elle négligea de dévoiler les taux individuels. Dans les échantillons cliniques et communautaires de femmes ayant subi des sévices sexuels pendant l’enfance, les taux de dysfonctionnement sexuel varièrent de 26% à 94%.
Les études réalisées auprès d’étudiantes en université ont tendance à présenter les taux de troubles sexuels les plus faibles chez les femmes victimes d’agressions sexuelles pendant l’enfance. Plusieurs études ont indiqué ne pas avoir dénoté de différence au niveau de la fonction sexuelle entre les étudiantes universitaires qui avaient connu des violences sexuelles durant leur enfance et celles qui n’en avaient pas connu, en particulier lorsqu’elles tenaient compte d’autres traumatismes ayant eu lieu pendant l’enfance. Cependant, une étude a découvert que la fonction sexuelle des étudiantes ayant subi des sévices était inférieure à celle de leurs pairs n’ayant pas connu de violences. Les échantillons universitaires sélectionnent par nature des individus avec un niveau scolaire élevé et une composition démographique particulière (c’est-à-dire, généralement avec un niveau d’éducation supérieur et un statut socio-économique plus élevé), ce qui pourrait expliquer en partie les taux plus faibles de problèmes sexuels chez les femmes avec antécédents d’agressions sexuelles pendant l’enfance observés dans ces échantillons. Une étude réalisée auprès d’étudiantes à l’université a notamment découvert que 55% de l’échantillon avaient été victimes de violences sexuelles sur mineur, et que 65% d’entre elles signalaient une dysfonction sexuelle.
Le dysfonctionnement sexuel concerne clairement les femmes avec antécédents de violences sexuelles pendant l’enfance. Cependant, il est important de noter que les sévices précoces n’engendrent pas forcément des troubles sexuels pour toutes les femmes. La plupart des études décrites dans la section Taux de prévalence ont évalué le dysfonctionnement sexuel avec des questionnaires d’auto-évaluation ou des entretiens structurés basés sur les critères de dysfonctionnement sexuels du Manuel Diagnostique et Statistique des troubles mentaux, 3è édition (DMS-III), qui ne comprenait pas encore le critère de détresse qui a été ajouté aux dernières éditions du DMS. Cette divergence dans l’évaluation du dysfonctionnement sexuel entre les études complique la comparaison des taux de prévalence entre les femmes victimes de sévices sexuels pendant l’enfance et la population féminine générale. En gardant à l’esprit cette problématique méthodologique, il a été noté qu’environ 43% de la population féminine générale déclare avoir des difficultés sexuelles et 12% confirment un dysfonctionnement sexuel significatif sur le plan clinique, alors que 25% à 94% des femmes ayant subi des violences sexuelles pendant l’enfance déclarent avoir des difficultés sexuelles (avec des taux de détresse inconnus). Cela mène à penser que les femmes victimes de sévices ont plus de risque de souffrir de dysfonction sexuelle que la population féminine en général.
Les types de violences et le dysfonctionnement sexuel
Certains types de violences peuvent accroître le risque de dysfonctionnement sexuel. Un lien a été établi, par exemple, entre des taux de dysfonction sexuelle plus élevés et les sévices à répétition, commis par plusieurs agresseurs, de plus longue durée, impliquant l’usage de la force ou de menaces, ou encore dans lesquels le père est l’agresseur. Des résultats mixtes ont été enregistrés quant au rôle de la pénétration ou des tentatives de pénétration sur le risque de dysfonctionnement sexuel. Plusieurs études ont souligné que les violences sexuelles sur mineur avec pénétration ou tentative de pénétration augmentent le risque de troubles sexuels. Cependant, d’autres études ont noté que les antécédents de sévices avec ou sans pénétration étaient tout autant associés au risque de dysfonctionnement sexuel. Une étude a même découvert que les antécédents d’agressions sexuelles sur mineur sans pénétration conféraient un risque de dysfonctionnement sexuel supérieur. En résumé, les cas de violences sexuelles sur mineur associées à l’usage de la force ou de menaces, qui étaient répétés, ou commis par le père ou de multiples agresseurs semblent accroître le risque de troubles sexuels ultérieurs. En raison des résultats mixtes observés quant aux répercussions de la pénétration sur le risque de difficultés sexuelles, des recherches supplémentaires sont nécessaires pour clarifier l’importance de cette caractéristique.
Types de dysfonctionnement sexuel
Les femmes victimes de sévices sexuels pendant l’enfance présentent l’ensemble du spectre des troubles de la fonction sexuelle chez la femme, y compris les troubles du désir, de l’excitation, de l’orgasme, et les douleurs pendant l’acte sexuel. Pour cette population, le dysfonctionnement sexuel présente souvent une comorbidité : une étude a démontré que 66% des femmes ayant subi des violences et présentant une dysfonction sexuelle déclaraient souffrir de plusieurs types de dysfonctionnements. Les troubles du désir et de l’excitation sont les problématiques les plus souvent rapportées par cette population. Sur un échantillon aléatoire national de 1749 femmes, les antécédents d’agression sexuelle étaient associés à un risque de troubles de l’excitation sexuelle plus important que tout autre type de dysfonctionnement. Sur un échantillon clinique de femmes victimes d’agression sexuelle qui n’étaient pas à la recherche d’un traitement, 84% d’entre elles ont signalé des difficultés au niveau de l’excitation, et 53% au niveau du désir. Sur des échantillons cliniques de femmes avec antécédents de sévices sexuels à la recherche d’une thérapie sexuelle, 49% à 62% d’entre elles avaient des problèmes d’excitation et 53% signalaient des problèmes du désir. Les difficultés à atteindre l’orgasme et les douleurs pendant l’acte sexuel étaient aussi communes au sein de cette population. En ce qui concerne la population féminine en général, le dysfonctionnement sexuel le plus commun est le manque de désir. Par conséquent, la principale différence entre les femmes ayant subi des sévices sexuels et celles n’en ayant pas vécu est le taux supérieur de dysfonctions relatives à l’excitation et au désir chez le premier groupe.
MÉCANISMES CONTRIBUANT AU DYSFONCTIONNEMENT SEXUEL
Les taux de dysfonctionnement sexuel chez les femmes victimes de sévices pendant l’enfance sont supérieurs à ceux des femmes n’ayant pas connu de violences, et sont marqués par une certaine particularité avec des taux de troubles de l’excitation plus élevés. En outre, ces femmes réagissent moins bien à la thérapie sexuelle normalisée, y compris les approches pharmacologiques et psychologiques. Lors d’une étude sur le citrate de sildénafil (Viagra, Pfizer, New York, NY, États-Unis) effectuée auprès de femmes avec et sans antécédents d’agressions sexuelles, les femmes victimes de violences sexuelles pendant l’enfance ont affiché une réponse inférieure au traitement; et, parmi celles qui ont répondu au médicament avec l’excitation génitale, certaines signalent que cette excitation améliorée a rendu le rapport sexuel désagréable ou perturbant. Les femmes victimes de violence sont exprimé des sentiments de peur, de colère et de dégoût pendant l’excitation sexuelle avec un partenaire plus forts que leurs pairs n’ayant pas vécu de sévices. Des experts cliniques ont suggéré que les traitements contre le dysfonctionnement sexuel qui stimulent directement l’excitation génitale pourraient agir trop rapidement pour les femmes victimes de sévices sexuels pendant l’enfance. En revanche, ces dernières répondent mieux que leurs pairs aux thérapies sexuelles basées sur la pleine conscience qui se concentrent sur la conscience corporelle sans jugement. Les différences de taux de prévalence, la présentation des dysfonctions sexuelles, et la réponse à la thérapie sexuelle suggèrent que les troubles sexuels pourraient se développer par des voies différentes entre les deux groupes de femmes avec ou sans antécédents d’abus sur mineur. Les chercheurs ont proposé plusieurs types de voies ou mécanismes d’action possibles qui pourraient expliquer ces différences, y compris les associations cognitives concernant la sexualité, le schéma de soi sur le plan sexuel, l’activation du système nerveux sympathique, l’image et l’estime corporelles, et les sentiments de honte et de culpabilité. La recherche sur les mécanismes est forcément limitée par la nature du traumatisme sexuel et l’éthique de recherche, à tel point qu’il est impossible de mener des essais contrôlés aléatoires sur la violence sexuelle sur mineur. Par conséquent, les études sur les mécanismes mettant en évidence le lien entre les sévices sexuels sur mineur et le dysfonctionnement sexuel peuvent mener à des confusions possibles et dépendent du contexte complexe dans lequel se déroule les sévices. Ces problématiques limitent inévitablement la capacité à tirer des déductions entre les projets de recherche.
Associations cognitives avec le sexe
De nombreuses études soulignent que les femmes ayant vécu des violences sexuelles durant l’enfance traitent les stimuli sexuels de manière quelque peu différente de leurs pairs n’ayant pas subi d. Le traitement cognitif des stimuli sexuels chez les femmes victimes d’abus a été examiné lors d’études sur les associations inconscientes. Meston et Heiman se sont servis d’un test de classement de cartes impliquant la catégorisation d’informations positives et négatives sur soi et relatives au sexe. En comparaison avec les femmes n’ayant pas subi d’abus, ils ont découvert que les femmes ayant vécu des sévices sexuels pendant l’enfance avaient plus tendance à utiliser des termes négatifs pour se décrire et étaient moins enclines à attribuer une signification positive aux stimuli sexuels. Une autre étude évaluant les associations inconscientes au moyen du Test d’association implicite (IAT) a découvert que, pour les femmes n’ayant pas connu d’abus, les images à caractère sexuel étaient plus souvent associées à une valence positive qu’une image neutre (taille d’effet, f = 0.28), alors que pour les femmes victimes d’abus, il n’y avait pas de différence de valence entre les images neutres et les images à caractère sexuel. Ils ont aussi découvert que, chez les femmes avec des antécédents de sévices sexuels pendant l’enfance, les stimuli sexuels étaient moins souvent associés implicitement à une valence positive mais que cela n’était pas lié à une fonction sexuelle réduite mais plutôt à une satisfaction sexuelle moins élevée. La recherche sur les préjugés inconscients des femmes a indiqué que les stimuli sexuels sont moins souvent associés à une valence positive chez les femmes victimes d’abus.
Une autre approche visant à étudier les processus cognitifs des femmes ayant subi des violences sexuelles pendant l’enfance implique l’examen du langage par des exercices d’expression écrite sur la sexualité. Une étude demanda à des femmes avec et sans antécédent d’agressions sexuelles pendant l’enfance de rédiger deux essais : le premier était un essai neutre sur la journée précédente et le second portait sur une image ambigüe d’un couple dans une chambre. Dans le second type d’essais, les femmes victimes de sévices sexuels pendant l’enfance avaient davantage tendance à interpréter l’image comme une menace et utilisaient beaucoup plus de termes d’affect négatifs (Cohen d = 0.77) et moins de termes sexuels (Cohen d = 0.81) que les femmes n’ayant pas connu d’abus. Les chercheurs ont évalué le désir sexuel dans leur échantillon et n’ont pas trouvé de lien entre l’usage plus prononcé de mots négatifs chez les femmes victimes d’abus et leur désir sexuel. Il semblerait que les femmes ayant été victimes de violences sexuelles pendant l’enfance aient tendance à interpréter négativement toute information sexuelle pertinente, mais ces interprétations n’ont pas forcément de lien avec la fonction du désir sexuel. Une étude similaire a demandé à des femmes de rédiger un essai neutre sur la journée précédente ainsi qu’un essai à caractère sexuel où elles se représentaient elles-mêmes dans un schéma sexuel. Comme dans l’étude précédente, les femmes avec des antécédents d’abus ont utilisé considérablement plus de mots à caractère émotionnel négatif dans l’essai sexuel, que les femmes n’ayant pas subi d’abus. En prenant en compte les deux essais, les femmes victimes de sévices sexuels pendant l’enfance utilisent moins de termes émotionnels positifs que les femmes n’ayant pas subi d’abus. Pour les deux groupes, l’utilisation plus fréquente de mots à caractère émotionnel positifs était associée à une meilleure fonction sexuelle (R2 = 0.20). Ces résultats suggèrent que les émotions positives concernant la sexualité pourraient être davantage liées à la fonction sexuelle que les émotions négatives.
L’échantillon de femmes victimes de violences de l’étude réalisée par Lorenz et Meston a aussi participé à l’étude d’un traitement en cinq sessions basé sur l’expression écrite ayant mené à une amélioration de la santé mentale et sexuelle (R2pour la résolution du trouble lié à la baisse du désir sexuel = 0.13; R2 pour la résolution du trouble de l’excitation sexuelle chez la femme = 0.09). Suite à cela, ce même échantillon a de nouveau rédigé un essai neutre et un essai à caractère sexuel. Dans cette dernière composition écrite à caractère sexuel réalisée après traitement, les femmes ont montré une baisse d’utilisation de termes émotionnels négatifs (Cohen d = 0.23) et une augmentation des termes émotionnels positifs (Cohen d = 0.27). Il faut noter que la baisse des termes émotionnels négatifs était associée à une amélioration de la fonction sexuelle (r = 0.21) et de la satisfaction sexuelle (r = 0.31), mais l’utilisation plus fréquente de termes émotionnels positifs n’a montré aucun lien avec ces variables de santé sexuelle. Sur l’ensemble des études portant sur l’expression écrite, l’affect positif a été associé à une amélioration de la fonction sexuelle, sauf dans l’étude du traitement dans laquelle seule la diminution des émotions négatives a été associée à une fonction sexuelle améliorée.
Outre les associations implicites et les approches d’analyse du langage, les associations cognitives avec la sexualité chez les femmes ayant subi des violences ont aussi été testées par des mesures plus directes. Lors d’une étude psychophysiologique sexuelle, les femmes victimes de sévices sexuels pendant l’enfance ont été plus nombreuses à signaler un affect négatif devant la présentation d’un film érotique que les femmes n’ayant pas subi d’abus. Elles ont aussi rétrospectivement souligné plus de peur, de colère et de dégoût pendant l’excitation sexuelle avec un partenaire que leurs homologues. Un affect négatif plus important avant et pendant l’exposition à des stimuli sexuels pourrait contribuer au développement et au maintien du dysfonctionnement sexuel, notamment du trouble de l’excitation. Les données recueillies permettent de penser que le nombre plus important de perceptions négatives et le déficit des perceptions positives relatives aux stimuli sexuels sont liés à la fonction sexuelle chez les femmes victimes de sévices sexuels pendant l’enfance. Les différences de réponses aux stimuli sexuels entre les femmes avec et sans antécédents d’agressions sexuelles pendant l’enfance examinées dans le présent article suggèrent que les violences sexuelles sur mineur peuvent affecter la manière dont les femmes traitent l’information relative à la sexualité au niveau cognitif.
Les schémas de soi sexuels
Cette tendance à évaluer les stimuli sexuels de manière plus négative et moins positive a aussi été démontrée dans les perceptions des femmes de leur propre identité sexuelle. Les schémas de soi sexuels sont des pensées et des comportements très profonds concernant le soi en tant qu’être sexuel qui affectent le traitement de signaux sexuels pertinents et façonnent le comportement sexuel. Les schémas de soi sexuels ont été principalement étudiés par une mesure d’auto-évaluation, appelée Sexual Self-Schema Scale (échelle du schéma de soi sexuel), dans laquelle il a été demandé aux femmes de s’évaluer sur une série d’adjectifs à caractère positif et négatif (ex : désinhibée, sérieuse, romantique). La recherche utilisant le Sexual Self-Schema Scale a découvert que les femmes victimes de violences présentaient moins de schémas positifs sexuels (R2 = 0.06) mais qu’il n’y avait aucune différence dans les schémas de soi négatifs (R2= – 0.07) par rapport à leurs homologues n’ayant pas connu d’abus. Il a aussi été dénoté que les schémas positifs étaient liés à la fonction sexuelle. Une autre étude a permis de découvrir qu’il y avait moins de schémas sexuels positifs et plus de schémas sexuels négatifs chez les femmes ayant subi des sévices sexuels que chez les femmes n’ayant pas été victimes d’abus, et que les deux types de schémas étaient liés à la fonction et à la satisfaction sexuelles.
Plus récemment, les schémas de soi sexuels des femmes victimes de violences ont été étudiés par des approches d’analyse de texte extrayant des thèmes ou des schémas communs du langage naturel. Contrairement aux questionnaires d’auto-évaluation, cette approche d’analyse de texte permet aux schémas de se dessiner naturellement à partir des données collectées. La première étude à utiliser cette approche a examiné des compositions écrites à caractère sexuel rédigées par des femmes avec et sans antécédents d’abus et ont permis d’identifier 7 schémas uniques comprenant la famille et le développement, la virginité, la violence, les relations, l’activité sexuelle, l’attraction et l’existentialisme. En comparant les compositions écrites, il a été noté que les femmes n’ayant pas subi de violences utilisaient les schémas de la virginité et des relations considérablement plus que les femmes victimes de sévices, alors que ces dernières utilisaient davantage les schémas de violence et d’attraction. Selon les chercheurs, bien que la perte de virginité puisse être un événement très important dans le développement sexuel des femmes n’ayant pas connu d’abus, cela ne s’appliquerait peut-être pas aux femmes victimes de violences sexuelles pendant l’enfance. Il est fort probable que les expériences d’abus aient tenu une place plus importante dans le développement psychosexuel précoce que la perte de la virginité pour ces dernières.
Meston et al. ont conduit un essai clinique aléatoire sur un traitement en cinq sessions basé sur l’expression écrite, conçu pour les femmes ayant subi des violences sexuelles pendant l’enfance et souffrant de dysfonctionnement sexuel. L’étude comprenait 2 conditions de traitement : la première demandait aux femmes de parler de leur expérience traumatique par écrit, et la deuxième, de rédiger des schémas de soi sexuels. Dans le cadre de la seconde condition comprenant les schémas de soi sexuels, les femmes ont démontré une amélioration significative de la fonction sexuelle, beaucoup plus notable que chez les femmes de la première condition ayant décrit leur traumatisme, ce qui souligne une fois de plus l’importance des schémas de soi dans la fonction sexuelle des femmes victimes de violences. Pour soutenir l’impact des schémas de soi sexuels sur les résultats de l’étude, les compositions écrites réalisées après traitement ont été examinées avec l’analyse de texte décrite un peu plus tôt : les femmes victimes d’agressions sexuelles sur mineur ont démontré une baisse d’utilisation des schémas relatifs à la violence, à la famille et au développement, à la virginité et à l’attraction, et une hausse de l’utilisation du schéma d’existentialisme. L’expression écrite sur les schémas de soi sexuels pourrait aider les femmes ayant des antécédents de sévices sexuels durant l’enfance à gérer leurs expériences traumatiques et ainsi diminuer la proéminence de la violence dans leurs schémas de soi sexuels.
Activation du système nerveux sympathique
L’une des réactions communes aux sévices sexuels sur mineur est une activité du système nerveux sympathique (SNS) élevée et chronique ou une hyperexcitation physiologique. Les symptômes relatifs à l’activité accrue du SNS peuvent comprendre une augmentation de la fréquence cardiaque, l’accélération de la respiration, des tensions musculaires, des sueurs, la réaction de sursaut exagérée, et des difficultés à dormir. L’activation accrue du SNS a été liée à l’exposition à un traumatisme en général et à certains troubles psychologiques, dont le trouble d’anxiété et le trouble de stress post-traumatique (TSPT). Même si cette réponse psychologique est commune à l’ensemble des traumatismes graves, dans le cas des violences pendant l’enfance, l’activité accrue du SNS débute tellement tôt dans la vie qu’elle peut altérer de manière critique le fonctionnement physiologique général de l’individu et exposer celui-ci à un risque accru de troubles liés au stress.
L’activité du SNS augmente naturellement pendant l’excitation sexuelle. Des études sur le lien entre la stimulation du SNS et l’excitation sexuelle chez les femmes ont identifié un niveau optimal de stimulation du SNS pour faciliter l’excitation génitale. Dans le cadre d’études utilisant l’exercice physique et l’éphédrine pour accroître la stimulation du SNS avant de visionner un film érotique, la recherche a prouvé que, chez les femmes sexuellement fonctionnelles, une augmentation de la stimulation du SNS permet d’enclencher l’excitation génitale, donnant ainsi lieu à une excitation génitale accrue devant le film érotique. L’amélioration de l’excitation génitale par l’exercice physique a aussi été démontrée chez les femmes dysfonctionnelles sur le plan sexuel (n’ayant pas connu de violences).
Cependant, dans une étude basée sur l’exercice physique comparant les femmes avec antécédents de sévices sexuels pendant l’enfance souffrant ou non de TSPT et les femmes n’ayant pas subi d’abus, les femmes victimes de violences n’ont pas montré d’augmentation de l’excitation sexuelle par l’exercice, alors que les femmes non victimes d’abus ont montré l’augmentation attendue (Cohen d = 0.95). En fait, les chercheurs ont découvert un lien inverse entre les symptômes de TSPT et l’excitation génitale : les femmes ayant vécu des violences sexuelles pendant l’enfance et souffrant de symptômes de TSPT plus forts montraient des niveaux d’excitation génitale inférieurs après exercice (l’opposé des femmes qui n’ont pas connu d’abus). Les chercheurs ont conclu que, pour les femmes victimes de sévices sexuels pendant l’enfance, la stimulation du SNS pourrait être déjà tellement élevée que l’augmentation de la stimulation du SNS, qui se produit naturellement pendant l’excitation sexuelle, pourrait pousser l‘activation du SNS au-delà du niveau optimal, ce qui mènerait à une déficience de la fonction sexuelle. D’autres méthodes ont permis d’évaluer l’activation du SNS, telles que la mesure du cortisol, hormone du stress. Elles ont mis en évidence différents profils entre les femmes victimes de sévices pendant l’enfance et les femmes non-victimes (n2 = 0.264), et ces différences étaient liées à la fonction sexuelle (n2 = 0.105).
Image et estime corporelle
La recherche suggère aussi que l’image du corps ou l’estime corporelle des femmes victimes de violences sexuelles pendant l’enfance pourrait expliquer les taux de dysfonctionnement sexuel plus élevés signalés par ce groupe. L’estime corporelle fait référence à des perceptions cognitives et affectives de son propre corps qui sont influencées par les expériences individuelles et la socialisation. Au sein de la population féminine générale, l’image corporelle plus élevée est associée à une meilleure fonction sexuelle. De manière plus particulière, les perceptions négatives du corps pendant l’activité sexuelle affectent négativement la fonction sexuelle (voir Woertman et van den Brink). Les femmes victimes d’abus rapportent une estime corporelle généralement inférieure à celle de leurs pairs n’ayant pas subi de violences (Cohen d = 0.68; n2 = 0.28), surtout lorsqu’il est question de l’une des composantes de l’image corporelle : l’attraction sexuelle (d = 0.68).Deux études ont lié l’image corporelle à la fonction sexuelle des femmes victimes de violences. Wenninger et Heiman ont découvert que la faible évaluation de l’attraction sexuelle en tant que composante de l’image corporelle était liée à une fonction sexuelle déficiente chez les femmes victimes de violence.. Kilimnik et Meston ont découvert que les antécédents d’abus modéraient le lien entre l’estime corporelle générale et l’excitation sexuelle (définie comme processus du cerveau liés à l’approche de stimuli sexuels; Cohen d = 0.30), et que l’attraction sexuelle en tant que composante de l’estime corporelle expliquait le plus grand écart dans l’excitation sexuelle des femmes victimes de violences sexuelles pendant l’enfance. (n2 partiel = 0.28).En d’autres termes, la baisse de l’estime corporelle a été associée à une baisse de l’excitation sexuelle, mais seulement chez les femmes victimes de sévices sexuels pendant l’enfance. Les chercheurs suggèrent que lors des agressions sexuelles sur mineur, un enfant pourrait apprendre à associer son corps avec l’abus, et par conséquent cela le mènerait à des perceptions négatives de son propre corps qui se poursuivent à l’âge adulte et dégradent la fonction sexuelle.
La recherche sur le traitement des troubles de l’alimentation a aussi permis de mettre en évidence le lien entre les sévices sexuels sur mineur et l’estime du corps. Les taux de troubles de l’alimentation sont plus élevés chez les femmes victimes d’agressions sexuelles pendant l’enfance. Et un lien entre les antécédents de violences sexuelles sur mineur et une mauvaise image corporelle a été noté dans la littérature relative aux troubles de l’alimentation (la taille d’effet varie de r = – 0.273 à 0.431, moyenne r = 0.18). Une étude portant sur le traitement de femmes souffrant d’anorexie et de boulimie a identifié une différence de réponse au traitement entre les participantes avec et sans antécédents d’abus. De manière plus précise, les chercheurs ont trouvé que, suite au traitement, la fonction sexuelle des femmes victimes de sévices sexuels pendant l’enfance ne s’était pas autant améliorée que celles de leurs homologues n’ayant pas souffert d’abus. Bien que l’image corporelle chez les femmes sans antécédents d’abus se soit considérablement améliorée, il n’y a pas eu de changement pour les femmes victimes de violences. Cette étude du traitement suggère un lien important entre une image corporelle faible et la fonction sexuelle, et indique qu’une faible image corporelle chez les femmes ayant subi des sévices sexuels pendant l’enfance pourrait être particulièrement difficile à résoudre.
Honte et culpabilité
Les sentiments de culpabilité, de honte et d’auto-accusation liés aux violences sexuelles sur mineur ont été identifiés comme étant des mécanismes potentiels à la base du développement du dysfonctionnement sexuel chez les femmes victimes de sévices sexuels pendant l’enfance. Lors d’une étude prospective longitudinale auprès de victimes de violences sexuelles pendant l’enfance, démarrant immédiatement après la dénonciation de l’abus auprès des autorités, il a été noté que lorsque le degré de honte et d’auto-accusation était élevé un an après l’événement traumatique, des difficultés sexuelles plus graves pouvaient être prédites 6 ans après l’abus. La honte et l’auto-accusation sont des facteurs de prédiction de difficultés sexuelles au-delà de la sévérité de l’abus (définie par la présence de pénétration, l’usage de la force, la durée des sévices, le nombre d’événements, et si l’agresseur faisait partie ou non du cercle familial), ce qui suggère que les réactions émotionnelles découlant des violences sexuelles sur mineur seraient plus à même de causer le développement de troubles sexuels plus tard que les caractéristiques de l’abus lui-même. Les chercheurs pensent que les sentiments de honte et d’auto-accusation pourraient affecter négativement le schéma de soi sexuel des femmes, bien qu’à ce jour, aucune étude empirique n’ait examiné la relation entre ces deux constructions. Dans une autre étude, les femmes victimes d’abus ont révélé des taux de culpabilité sexuelle (définie comme des attentes de punition pour comportement sexuel « inapproprié ») plus élevés que les femmes n’ayant pas connu d’abus. Cette étude n’a cependant pas examiné la fonction sexuelle. Ces études fournissent des éléments préliminaires prouvant que les émotions négatives de honte, de culpabilité et d’auto-accusation pourraient faire partie des voies par lesquelles des abus précoces affecteraient la fonction sexuelle des femmes plus tard dans la vie.
Mécanismes suggérés par la recherche sur les traitements
Puisque les conséquences des violences sexuelles sur mineur sur la santé sexuelle ne peuvent pas être étudiées d’un point de vue éthique avec des expérimentations contrôlées aléatoires, la recherche portant sur les traitements représente une alternative pour examiner les mécanismes. Les femmes victimes de sévices sexuels pendant l’enfance réagissent moins bien aux traitements standardisés basés sur la thérapie sexuelle que leurs homologues n’ayant pas subi d’abus. Lors d’une étude sur le citrate de sildénafil (Viagra), les femmes victimes de violences ont moins bien réagi au médicament en termes d’excitation génitale, de lubrification, et d’orgasme, par rapport aux femmes sans antécédent d’agressions sexuelles. Parmi les femmes ayant répondu au médicament, 70% des femmes non victimes d’abus ont signalé que l’excitation améliorée avait rendu le rapport sexuel plus agréable et satisfaisant, alors que seulement 14% des femmes avec antécédents d’agressions sexuelles pendant l’enfance ont signalé que l’excitation améliorée avait rendu le rapport sexuel désagréable ou perturbant. Au lieu d’améliorer la fonction sexuelle, le traitement a eu un effet pire sur celle-ci. Dans une étude portant sur l’usage de testostérone et de vardénafil (Levitra, GlaxoSmithKline, Londres, Royaume-Uni) pour traiter le dysfonctionnement sexuel, les femmes n’ayant pas connu de violences ont répondu aux médicaments par une excitation génitale supérieure, alors que les femmes victimes d’agressions sexuelles pendant l’enfance n’ont pas montré de changement au niveau de l’excitation génitale (n2 partiel = 0.25). Des experts cliniques supposent que les traitements qui stimulent directement l’excitation génitale pourraient agir trop rapidement et auraient un ressenti sexuellement trop explicite pour les femmes victimes de violences sexuelles.
Contrairement aux études pharmacologiques examinées ci-dessus, les femmes ayant subi des violences répondent mieux que leurs pairs aux thérapies sexuelles basées sur la pleine conscience. Pour explorer davantage cette découverte notable, une étude complémentaire a comparé la thérapie sexuelle de groupe cognitivo-comportementale avec la thérapie sexuelle de groupe basée sur la pleine conscience pour les femmes victimes de sévices sexuels pendant l’enfance et souffrant d’une dysfonction sexuelle. Après traitement, les femmes participant à la thérapie de pleine conscience ont démontré une augmentation de l’excitation sexuelle subjective devant un film érotique dans le laboratoire, par rapport à leurs réponses avant traitement et par rapport aux réponses de femmes impliquées dans la thérapie sexuelle cognitivo-comportementale. Il faut noter que cette excitation subjective accrue n’était pas accompagnée d’une excitation génitale supérieure. Bien que le traitement n’ait pas affecté l’excitation génitale des femmes, il a eu un effet sur le lien entre l’excitation génitale et l’excitation sexuelle subjective, de telle façon que les femmes étaient davantage conscientes ou réactives à leur excitation génitale après traitement. Les chercheurs supposent que l’orientation du traitement vers la pleine conscience pourrait avoir permis aux femmes de se déconnecter de cognitions négatives telles que le souvenir de l’abus et donc prêter attention au stimulus sexuel au moment présent. Bien que plusieurs mécanismes actifs aient été proposés pour expliquer ces améliorations de la fonction sexuelle conférées par la thérapie basée sur la pleine conscience, il n’est pas clair si seul un mécanisme est à l’œuvre lorsque ces traitements sont fournis à des femmes victimes de sévices sexuels durant l’enfance.
Les traitements basés sur l’expression écrite se concentrant sur la fonction sexuelle des femmes victimes d’agressions sexuelles pendant l’enfance ont également démontré des mécanismes d’action potentiels. Meston et al ont testé un traitement en cinq sessions basé sur l’expression écrite portant sur les schémas de soi sexuels : ils ont découvert que les deux groupes étudiés, l’un chargé de rédiger un essai sur le schéma de soi sexuel et l’autre, un essai sur le traumatisme qui les affectait, avaient montré une amélioration de la fonction et de la satisfaction sexuelles. L’expression écrite a été proposée pour améliorer la santé mentale au moyen de mécanismes d’exposition et d’accoutumance aux souvenirs traumatiques, à la diminution du désir pour cacher les souvenirs traumatiques, à l’expression émotionnelle, et à la ré-évaluation cognitive. Etant donné que l’essai réalisé par Meston et al était le premier à tester l’expression écrite en tant que traitement du dysfonctionnement sexuel chez les femmes victimes de violence, on ne sait pas exactement quels mécanismes pourraient être les plus importants pour ce groupe. Les chercheurs pensent que le traitement basé sur l’expression écrite aurait pu être particulièrement approprié aux femmes ayant des antécédents d’abus car il leur fournit le contrôle final sur le contenu des essais et la cadence du traitement. La nature privée de l’expression écrite pourrait avoir amélioré l’efficacité du traitement pour ce groupe de femmes.
CONCLUSION
Les violences sexuelles sur mineur ont été identifiées comme étant l’un des facteurs de risque les plus importants de dysfonctionnement sexuel à l’âge adulte. En effet, notre examen des études de prévalence a montré que lors d’études sur échantillon aléatoire, 25% à 59% des femmes victimes des sévices sexuels pendant l’enfance signalaient un dysfonctionnement sexuel, pourcentage qui augmente jusqu’à 84% et 94% lors d’études sur échantillons cliniques. C’est au niveau de la santé sexuelle qu’émergent les principales différences entre les femmes ayant des antécédents d’abus et celles n’en ayant pas. Le dysfonctionnement sexuel est davantage prévalent chez les femmes victimes de violences sexuelles pendant l’enfance que chez les femmes non victimes d’abus. Même si les troubles du désir sont les plus communs pour les femmes en général, les troubles du désir et de l’excitation sont supérieurs chez les femmes victimes de violences. Pour ce qui est de la réponse au traitement, les femmes ayant des antécédents d’abus pendant l’enfance montrent une réponse inférieure aux traitements impliquant directement l’excitation génitale par rapport aux femmes n’ayant pas subi de sévices. Elles réagissent cependant mieux à la thérapie sexuelle basée sur la pleine conscience. Les différences au niveau de la santé sexuelle entre les femmes avec et sans antécédents de violences indiquent que les mécanismes engendrant le développement de troubles sexuels chez les femmes victimes des sévices sexuels pendant l’enfance pourraient être distincts des mécanismes des troubles sexuels des femmes sans antécédent d’abus. Une meilleure compréhension des mécanismes à la base des difficultés sexuelles parmi les femmes victimes de violences sur mineur est indispensable au développement de traitements ciblés sur la dysfonction sexuelle de cette population.
A ce jour, les chercheurs ont proposé plusieurs mécanismes possibles pour expliquer le lien robuste entre les antécédents d’agressions sexuelles sur mineur et le dysfonctionnement sexuel à l’âge adulte. Les mécanismes proposés comprennent les associations cognitives avec la sexualité, les schémas de soi sexuels, l’activation sur le SNS, l’image et l’estime corporelles, et les émotions négatives de culpabilité et de honte. Notre examen de la littérature suggère que les femmes victimes de violences sexuelles pendant l’enfance évaluent les stimuli sexuels, et même leurs propres identités sexuelles, de manière plus négative et moins positive que les femmes n’ayant pas connu d’abus : le fait qu’elles associent moins souvent la sexualité à des termes positifs prouve un lien plus fort avec la fonction sexuelle. Les réactions émotionnelles à l’abus, y compris des niveaux élevés de culpabilité, de honte et d’auto-accusation, ont aussi été associées à une fonction sexuelle réduite. De manière connexe, des éléments du corps physique ont été liés à une fonction sexuelle inférieure chez les femmes victimes d’abus. Les femmes ayant subi des violences sexuelles pendant l’enfance montrent une activation du SNS de base accrue pouvant diminuer l’excitation sexuelle, et des perceptions de leur propre corps moins positives, en particulier en ce qui concerne l’attraction sexuelle perçue.
Sources
Traduit par courtoisie par Sonia Erraud depuis Science Direct