suicide et signaux corporels
Les survivants de tentatives de suicide sont moins sensibles aux signaux corporels
L’engourdissement intéroceptif est lié à une activité cérébrale moindre dans le cortex insulaire.
Résumé : Les survivants du suicide montrent une plus grande tolérance à la douleur et sont moins sensibles aux signaux corporels associés à leur respiration et à leur cœur. Les chercheurs ont constaté que les personnes ayant tenté de se suicider pouvaient tolérer les épreuves d’intéroception de l’arrêt de la respiration et du test au froid beaucoup plus longtemps que celles qui n’avaient pas d’antécédents de comportement suicidaire. L’engourdissement intéroceptif étant lié à une activité cérébrale moindre dans le cortex insulaire.
Les personnes ayant survécu à une tentative de suicide sont moins sensibles aux signaux corporels liés à leur cœur et à leur respiration, et ont une plus grande tolérance à la douleur, suggèrent de nouveaux résultats publiés dans eLife.
Prévoir avec précision le risque de suicide chez un individu est l’un des plus grands défis que rencontrent les médecins. En identifiant les caractéristiques physiques qui différencient les personnes ayant fait une tentative de suicide de celles qui n’en ont pas fait, l’étude ouvre la voie à de futures recherches visant à identifier les indicateurs biologiques du risque de suicide.
Notre cerveau analyse en permanence les signaux corporels dont nous avons besoin pour rester en vie, tels que les battements de notre cœur, notre respiration et la douleur causée par les lésions tissulaires de notre peau. L' »intéroception » désigne la façon dont le système nerveux suit l’état interne du corps, nous aidant à percevoir les menaces potentielles ou réelles et à agir en conséquence.
« Contrairement à la plupart des organismes, certains humains sont capables de contrer ces instincts de survie par l’acte de suicide », explique l’auteur principal Danielle DeVille, doctorante au ‘’Laureate Institute for Brain Research’’, Tulsa, Oklahoma, États-Unis. « Alors que les spécialistes s’efforcent depuis des décennies de comprendre et de prévenir ces décès, nous n’en savons toujours pas assez sur les facteurs qui contribuent au comportement suicidaire ».
Pour pallier cette lacune, D.DeVille et ses collègues ont mené la première étude visant à déterminer si l’intéroception brouillée est associée à des antécédents de tentatives de suicide chez des personnes souffrant de troubles psychiatriques, notamment de dépression, d’anxiété et de stress post-traumatique. Leur étude a porté sur 34 participants ayant des antécédents de tentatives de suicide au cours des cinq dernières années, contre un échantillon de référence psychiatrique apparié de 68 participants sans antécédents de tentatives de suicide.
L’équipe a examiné le traitement intéroceptif chez les participants à l’aide d’un panel de tâches. Celles-ci comprennent un test de retenue de la respiration, un test de résistance au froid – où un individu immerge une main dans de l’eau glacée et fait mesurer son rythme cardiaque et la conductance de sa peau – et la perception des battements du cœur. Les chercheurs ont découvert que les personnes ayant tenté de se suicider toléraient les épreuves d’apnée et de résistance au froid bien plus longtemps que celles qui n’avaient pas tenté de se suicider. En outre, ce groupe était moins capable de percevoir avec précision les battements de leur cœur que les personnes qui n’avaient pas fait de tentative.
« Nous avons découvert que cet « engourdissement intéroceptif » était lié à une activité cérébrale plus faible dans le cortex insulaire, une région qui suit de près l’état interne du corps », explique l’auteur principal Sahib Khalsa, directeur des opérations cliniques de l’Institut de recherche sur le cerveau. « Cet engourdissement ne dépendait pas de la présence d’un trouble psychiatrique, d’un épisode de pensées suicidaires, ni de la prise de médicaments à usage psychiatrique, ce qui suggère qu’il était plus étroitement lié à l’acte de tentative de suicide ».
S. Khalsa ajoute que ces résultats présentent un certain nombre de limites, notamment le fait que l’étude n’a pas examiné de manière approfondie si le fait d’envisager le suicide, par opposition à une tentative réelle, a un impact indépendant sur l’intéroception. « Il est également difficile de juger à partir de notre étude si les différences observées en matière d’intéroception représentent des caractéristiques innées des individus concernés, ou si elles reflètent une réponse émergente au fur et à mesure qu’ils passent de la pensée suicidaire à l’action suicidaire », dit-il.
Malgré ces limites, les auteurs affirment que leur travail révèle un rôle possible du dysfonctionnement de l’intéroception pour distinguer les individus à risque de suicide. Ces travaux ouvrent également la voie à d’autres études visant à déterminer si la mesure de l’intéroception chez les individus peut améliorer la capacité à prédire leur risque de suicide.
Recherche originale : Accès libre – “Diminished responses to bodily threat and blunted interoception in suicide attempters” Danielle C DeVille, Rayus Kuplicki, Jennifer L Stewart, Tulsa 1000 Investigators, Martin P Paulus, Sahib S Khalsa. – eLife doi:10.7554/eLife.51593.
Traduit par courtoisie depuis Neurosciencenews.com