idées reçues sur les troubles psychologiques

idées reçues sur les troubles psychologiques

SECOUE-TOI UN PEU : OU POURQUOI VOUS NE LE POUVEZ PAS. DÉMYSTIFIER LES IDÉES REÇUES SUR LES TROUBLES PSYCHOLOGIQUES

Comment la thérapie peut-elle modifier votre cerveau ?

La maladie psychologique n’est pas comme la maladie physique. Principalement parce que ça ne se voit pas. Les humains ont toujours vérifié la réalité des choses avec leurs yeux. ‘’Tu es tombé d’un toit et tu t’es cassé la jambe ? Oh non, pauvre de toi !’’

Le regard se promène sur la jambe plâtrée, dont l’existence a déclenché cette question. Nous sommes plein de compassion. Nous leur souhaitons un prompt rétablissement. Nous leur demandons ce qui est le plus difficile dans le fait d’avoir une jambe dans le plâtre. Ils répondent. Leur difficulté est visible ; leur frustration, leur douleur et leur détresse sont validées. Tout va bien.

Maintenant, essayez ceci. ‘’Je ne t’ai pas vu depuis un bail’’. La personne déprimée n’établit pas de contact visuel, apparaît un peu fuyante. Elle dit quelque chose d’inintelligible, un marmonnement, ce qui nous donne l’impression de déranger ou de nous tromper. Puis, quand la conversation semble bloquée, elle nous lance un bref regard, droit dans les yeux, mais très rapidement. Son expression nous fait penser à un loup affamé, ses yeux pleins de douleur et de détresse qu’on ne peut nommer. Nous nous sentons mal à l’aise, nous ne savons pas comment réagir. Nous essayons de maintenir la conversation. Puis elle dit :   » Je ne vais pas très bien, j’essaie les cachets que le docteur m’a donnés, mais je ne sais pas… » 

Face à leur hésitation, leur manque de confiance et leur peu d’espoir, nous nous détournons. Vers des choses moins déroutantes et déconcertantes que la dépression, l’anxiété sociale suffocante, ou pire encore, la folie des hallucinations, d’entendre des voix, et des fous violents.

Bien sûr que si. Ça ne fait pas de nous une mauvaise personne. La maladie mentale nous a toujours dérangés et la façon de traiter les personnes  » folles  » nous a toujours maintenus éveillés, surtout quand il s’agit de proches et d’êtres chers. Les dangers sont réels – suicide, meurtre, automutilation, gestes maniaques, comportements addictifs qui détruisent des vies et des relations, amènent à perdre leur maison, ou à y accumuler toutes sortes de cochonneries, ou à se laver les mains un milliard de fois par jour. Ce que font les « fous » peut être assez flippant, avouons-le, c’est un peu flippant. Ce qui est encore plus inquiétant, c’est que les immenses avancées technologiques, qui nous permettent de fabriquer des voitures avec des robots ou d’appeler notre mère par vidéo à l’autre bout du monde, ne nous ont pas permis de résoudre le problème des personnes souffrant ainsi. Dans leur tête. Non, nous ne pouvons pas éradiquer les troubles mentaux d’un seul clic de souris, ou faire livrer un nouveau cerveau parfaitement fonctionnel par drone sur Amazon Prime. Un jour peut-être ! En attendant, la maladie mentale reste obstinément invisible et donc discutable. Après tout,  « voir c’est croire  » . ‘’Tu ne viens pas, encore, aujourd’hui ? ‘’ Soupir. ‘’Ok, alors’’ dit-on, en tant que patron. Puis on se demande : ‘’Il est vraiment malade ? Il fait semblant ? Il me manipule ? Ou il se moque de moi ?’’. On ne peut pas s’empêcher de douter si on ne peut pas vérifier de nos propres yeux. Si seulement la maladie psychologique pouvait être traitée avec un plâtre. Mais ce n’est pas possible. Pas encore.


Je voudrais utiliser cette page pour vous parler des nombreuses façons dont les neuro-scientifiques parviennent à trouver des indices qui expliquent pourquoi les personnes atteintes de maladie psychologiques souffrent et se comportent comme elles le font. Les chercheurs sont en train de comprendre comment les principales différences dans la structure et le fonctionnement du cerveau sont responsables de la détresse et de la souffrance liées à la maladie psychique, tout comme une personne ayant une jambe cassée ressent l’agonie de deux morceaux d’os en friction.

On a découvert, ces dernières années, que les symptômes du trouble obsessionnel-compulsif peuvent être causés par des infections pharyngées à streptocoque C. Pour les enfants atteints d’angine streptococcique qui se sont mis à se laver les mains de façon compulsive, les IRM ont révélé que la région sous-corticale avait enflé de 24%. Cette partie du cerveau permet à nos pensées de circuler. Lorsqu’on leur a administré des immunosuppresseurs, les symptômes se sont atténués. Les enfants dont la zone était la plus enflée ont présenté les symptômes les plus graves, ce qui montre une relation causale. D’autres chercheurs ont démontré que les symptômes schizophréniques peuvent être causés par deux microbes différents, Toxoplasma gondii et cytomégalovirus (CMV). Cela ne veut pas dire que toute schizophrénie est induite par des microbes, mais il est clair que les symptômes de la maladie mentale sont causés par une pathologie du cerveau tout comme les maladies du corps sont causées par une pathologie du corps.

Les scientifiques ont observé que le volume de l’hippocampe est plus faible chez les patients souffrant de dépression chronique mais pas chez ceux qui se sont rétablis. Ce volume est jusqu’à 18 % inférieur chez les femmes victimes de violences dans leur enfance. Le mécanisme sous-jacent serait dû au fait que les expériences stressantes libèrent du cortisol, l’hormone du stress, qui, à petites doses, nous prépare au combat ou à la fuite. Mais lorsque l’exposition à cette hormone est répétée et fréquente, elle provoque le dessèchement et la mort des neurones de l’hippocampe. Le volume de l’hippocampe est important puisque c’est là principalement, où nous traitons et trions les souvenirs à court et long terme, que se déroule la neurogenèse. Vous ignoriez peut-être que vous continuez à produire de nouveaux neurones toute votre vie – mais c’est ainsi – et cela se produit exactement là, dans l’hippocampe, dans ces deux petites zones en forme d’hippocampe au fond du système limbique du cerveau. Imaginez maintenant un bébé négligé ou effrayé – c’est ce que l’on entend par « traumatisme cumulatif » . Un tel nourrisson grandit avec un cerveau baigné de cortisol, ce qui entraîne des changements épigénétiques qui le prédisposent à la dépression et aux maladies liées au stress. Il y a une période critique dans le développement du nourrisson, notamment les trois premières années, où la partie du cerveau responsable de la régulation des émotions se connecte – comme une moissonneuse-batteuse qui se fraye un chemin à travers champs. Si nous sommes élevés avec empathie, c’est-à-dire aimés et bien traités, nos voies neuronales bourgeonnent à travers notre lobe frontal droit comme des brocolis à rameaux qui nous permettent d’identifier nos émotions, de les nommer comme sentiments et de les libérer convenablement. Cette composante clé du lobe frontal droit est le câble qui nous permet de fabriquer et d’entretenir des liens humains. Je suis convaincue qu’elle sous-tend aussi notre sens de nous-mêmes, la croyance que nous avons un rôle à jouer dans le monde et la conviction inconsciente que nos choix ont leur importance.

Il ne faut pas s’étonner qu’un grand nombre de détenus aient été maltraités au cours de cette période critique et qu’ils soient devenus profondément incapables d’atténuer leurs émotions et de sentir une connexion aux autres. Leur peur et leur rage débordent en délits violents, leurs désirs en viols. Je ne sous-entends pas ici que ces crimes odieux ne méritent pas d’être punis – bien entendu, ils le méritent. Mais sachant que leurs crimes sont en grande partie la conséquence d’un cerveau mal connecté, ne ferions-nous pas mieux d’offrir aux prisonniers une psychothérapie intensive plutôt qu’une cellule avec TV fermée 23h/24 ? Après tout, l’objectif de la prison n’est-il pas de les rendre moins susceptibles de récidiver en réintégrant la société ?

Alors, la psychothérapie peut-elle modifier le cerveau ?

Telle est la question cruciale et il semble de plus en plus évident que oui. Par exemple, lorsque les patients ont des flashbacks, le flux sanguin vers le lobe préfrontal et frontal diminue. Le but de la psychothérapie est d’étendre l’influence du lobe préfrontal droit où se produit la régulation de l’émotion (cette zone clé qui se connecte dans les 24 premiers mois de l’enfance, avant d’acquérir le langage). Selon Freud, il faut laisser place aux associations libres de l’esprit pour récupérer ou reconstituer des souvenirs difficiles, dans le cadre de la relation avec le thérapeute. Les mémoires doivent être réactivées pour que leurs connexions neuronales soient modifiées, afin qu’elles puissent être retranscrites et transformées. Le changement neuronal est possible car nos étonnants cerveaux restent plastiques (capables de changer) durant toute une vie. La neuroplasticité est une caractéristique de la structure et des fonctions du cerveau.

Le changement psychologique que je vois chez mes patients au cours de leur thérapie se produit au niveau neuronal ; de nouveaux circuits de neurones qui se connectent et se déclenchent peuvent se développer lorsque des souvenirs traumatiques sont revécus et que les processus de pensées négatives et auto-critiques sont explorés au cours de la thérapie. Comprendre comment la douleur du passé a été déclenchée par les expériences du présent permet aux patients de développer de nouvelles méthodes d’adaptation et celles-ci sont instanciées dans les réseaux neuronaux grâce à la merveilleuse neuroplasticité du cerveau. Je dis parfois aux patients :  » C’est une relation qui vous a mis dans ce bourbier et c’est une relation vous en sortira « . Est-ce que ça prend beaucoup de temps ? Oui. Est-ce que ça marche?

Certainement, tant que le patient désire vraiment un changement….

Le fleuve de l’Ignorance se détourne dans la peur des personnes souffrant de problèmes de santé mentale, tout en maintenant des stéréotypes à leur sujet. Alors que la rivière de la Détresse est l’endroit où les nourrissons reçoivent de piètres soins et passent le reste de leur vie à se sentir coupables de ne pas se sentir bien et ne pas réussir à gérer leur vie. Une meilleure éducation sur ce qui fait des esprits sains et de meilleurs traitements de santé mentale pour ceux qui n’ont pas eu ce dont ils avaient besoin dès le départ, contribueraient beaucoup à changer les choses : est-il possible de bannir ensemble Ignorance et Détresse ?

Traduit et adapté par courtoisie de British Foundation of Psychotherapy

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