SEXUALITÉ TRAUMATISÉE

sexualité traumatisée

Se comprendre et guérir

Il est très répandu et tout à fait normal pour les survivants de violences sexuelles de voir leur sexualité impactée. Quelle que soit la manière dont cet impact se manifeste en soi, il est important de se souvenir qu’il s’agit d’un processus inhérent à la guérison, qui participe à l’intégration de l’événement traumatique. C’est tout l’être qui y fait face pour retrouver son pouvoir et rétablir une sexualité saine. Les symptômes post-traumatiques peuvent se faire présents immédiatement ou longtemps après les événements. Se sentir réellement en sécurité, s’engager dans une relation saine avec une personne respectueuse, aimante et digne de confiance peut être un élément déclencheur.

Voici dix symptômes récurrents :

1. Avoir peur, éviter toute sexualité

2. Se sentir obligé d‘avoir des relations sexuelles

3. Être envahi.e par des sentiments pénibles comme la colère, le dégoût, la culpabilité

4. Avoir des difficultés à ressentir du désir, voir sa sensibilité anesthésiée

5. Se sentir coupé.e de ses émotions, non présent.e lors de la relation sexuelle

6. Subir l’intrusion de pensées et d’images perturbantes à caractère sexuel

7. Se livrer à des comportements sexuels compulsifs, dangereux, inappropriés

8. Difficultés à établir ou maintenir une relation intime

9. Souffrir de vaginisme ou d’anorgasmie

10. Problèmes d’érection, d’éjaculation

Prendre conscience de ses symptômes est le premier pas sur le chemin vers sa guérison. En faire l’inventaire minutieux avec bienveillance favorise une posture d’observateur intérieur. On récupère une partie du pouvoir qui a été violemment dérobé, et d’objet subissant on devient sujet conscient. Certes il peut être accablant de réaliser à quel point le.s traumatisme.s a.ont influencé notre sexualité et nos relations, cependant c’est en se comprenant soi- m’aime qu’il est enfin possible d’agir, en conséquence.

Déminer en soi les fausses croyances à propos de la sexualité qui entretiennent les dysfonctions

Une énorme confusion a été causée par le flou apparent entre le caractère sexuel de la violence subie et ce qu’est réellement la sexualité (non-violente, consentante, heureuse). On assimile malgré soi la sexualité à l’abus. Remettre le monde à l’endroit, faire la différence entre son conditionnement et la réalité est une démarche puissante pour passer d’une représentation malsaine de la sexualité à la Joie de vivre sa propre sexualité, heureuse et épanouie.

Progresser vers une disposition positive envers sa propre sexualité

Avoir confiance en l’œuvre du temps et vivre des expériences positives, seul.e ou avec un.e partenaire qui soit bien conscient.e des implications de ce travail de guérison qui est en cours. Il est souhaitable pour promouvoir un investissement pro-actif de prendre quelques mesures radicales :

● Se préserver de tout biais renforçant les croyances négatives en associant la sexualité à la violence sexuelle (personnes, TV, sites web, livres…), cela inclut évidemment la pornographie. La perversité de la pornographie consiste à présenter des situations de violence sexuelle comme étant désirables et source de plaisir.

● En matière de langage, qui détermine notre rapport au monde, la vigilance est de mise. Que ce soit pour faire référence à des parties du corps ou aux relations sexuelles, veiller à choisir un vocabulaire positif, respectueux.

● Suite à l’état des lieux concernant son rapport à la sexualité, se demander en quoi nous voudrions que cela change. Quelle sexualité vivrions-nous aujourd’hui si nous n’avions pas subi cette violence ? S’autoriser à rêver aujourd’hui sa sexualité idéale pour l’avenir.

● Discuter avec autrui à propos de la sexualité s’inscrivant dans une perspective saine et heureuse (amis, partenaire, thérapeute, groupes de parole)

● S’instruire sur le sujet (livres, articles sur des sites consacrés, participer à des ateliers)

● Connaître ses droits en matière de sexualité :

– J’ai le droit de favoriser en moi l’émergence d’une sexualité positive.

– J’ai le droit d’avoir accès à des sources d’information fiables.

– J’ai droit à mon intimité sexuelle.

– J’ai le droit d’être protégée contre toute agression, toute intrusion dans mon corps.

– J’ai le droit d’avoir mes propres perceptions, sentiments, croyances, opinions à propos de la sexualité.

– J’ai le droit de poser mes limites.

– J’ai le droit de refuser un comportement ostentatoirement sexualisé. – J’ai le droit de désirer sexuellement ma/mon partenaire.

– J’ai droit au plaisir sexuel.

– J’ai le droit d’avoir le contrôle sur mon expérience sexuelle.

– J’ai le droit de contrôler ce qui a trait au toucher et contact sexuels.

– J’ai le droit de me soustraire à toute excitation sexuelle qui me paraitrait inappropriée ou inconfortable.

– J’ai le droit de développer ma sexualité en accord avec mes préférences et l’orientation qui me convient. – J’ai le droit d’être aimé.e par ma/mon partenaire.

– J’ai le droit d’être respecté.e, compris.e par ma/mon partenaire, elle/il-même disposé.e à communiquer avec moi à propos de sexualité.

– J’ai le droit de parler à ma/mon partenaire de la violence sexuelle que j’ai subie. – J’ai le droit de jouir de tout mon être.

Quelques questions à se poser pour déterminer si l’on est bien engagé.e dans un processus sain actuellement concernant notre sexualité :

● CONSENTEMENT : Puis-je librement et naturellement choisir de me livrer ou non à tout contact d’ordre sexuel ? Suis-je libre de l’interrompre à tout moment si je le souhaite ?

● HARMONIE : Mon sentiment de contrôle et de pouvoir est-il équilibré par rapport à celui de ma/mon partenaire ? L’un de nous domine-t-il l’autre ?

● RESPECT : Ai-je une perception positive de moi-même et de ma/ma/mon partenaire ? Est-ce que je me sens pris.e en considération avec une sincère sollicitude, et offrant la même qualité de soutien à ma/mon partenaire ?

● CONFIANCE : Est-ce que je fais confiance à ma/mon partenaire aussi bien physiquement qu’émotionnellement ? Nous acceptons-nous inconditionnellement dans notre vulnérabilité avec la capacité d’y répondre avec délicatesse et empathie ?

● SÉCURITÉ : Suis-je à l’aise et en sécurité au sein du contexte sexuel ? Est-ce que je me sens partie décisionnaire quant aux circonstances (Quand ? Où ? Comment ?) Est-ce que je me sens préservé.e en ce qui concerne la possibilité de grossesse non désirée et/ou de MST ?

Relations sexuelles

Pour beaucoup de survivants il est essentiel de faire une pause concernant l’activité sexuelle à un moment donné de leur guérison. Cet espace donné offre l’opportunité de s’intérioriser en quête de sa propre sexualité en tant que part de son identité. Libre du souci des attentes de sa/son partenaire, qui si nécessaire travaille sur elle/lui afin de n’avoir aucune attente. On peut alors réserver tout son temps et toute son énergie pour guérir, et non pour se torturer à propos de nos dysfonctionnements sexuels ou de notre capacité à répondre au désir de notre partenaire. Se poser. Éteindre toute pression, que l’on vive une relation nouvelle, de longue date ou que l’on soit marié.e.

Lorsque vous déciderez de vivre votre intimité sexuelle avec la personne de votre choix, mettez-vous au défi en prenant des mesures pour vous engager dans une activité sexuelle plus saine :

● Seulement quand vous en avez vraiment envie, et non pas lorsque vous sentez que vous devriez en avoir envie (par exemple suite à une longue période loin de votre partenaire, ou lors d’occasions spéciales comme les fêtes ou votre/son anniversaire).

● Soyez pro-actif.ve, communiquez avec votre partenaire à propos de vos ressentis, vos préférences. Dites lui ce que vous n’aimez pas ou ce qui vous met mal à l’aise, aussi bien que vos envies.

● Autorisez-vous à dire non à n’importe quel moment, que vous ayez initié le mouvement ou que vous y ayez consenti en premier lieu. Sentez-vous libre de discuter avec votre partenaire de lignes directives de base à mettre en place afin d’optimiser votre sentiment de sécurité lors de vos relations sexuelles. Afin que tous deux vous sentiez à l’aise quelles que soient les circonstances.

Quelques exemples de règles sécurisantes

● Ce n’est pas un problème de dire non ou d’interrompre une situation d’intimité sexuelle, À TOUT MOMENT.

● C’est naturel et bienvenu d’exprimer ses désirs sexuels, sans honte ni culpabilité.

● Il n’y a aucune obligation à rien du tout, on suit son désir et si on n’a pas envie c’est bien ainsi. ● Une pause est requise dès que nous en avons le besoin, N’IMPORTE QUAND.

● Il est nécessaire de communiquer ses ressentis et ses besoins, À TOUT MOMENT.

● Nous nous engageons à être attentifs à nos besoins respectifs et à faire tout ce que nous pouvons pour favoriser le confort de chacun.

● Notre intimité sexuelle est réservée au domaine de l’intime, sauf permission explicite à pouvoir en discuter avec autrui en dehors de notre relation.

● Chacun est responsable de sa propre satisfaction sexuelle impliquant ou non l’orgasme.

● Nos fantasmes ne regardent que nous-mêmes et nous ne devons pas à l’autre de les lui faire partager sauf si c’est notre désir de les lui révéler.

● À moins que ce soit pour préserver la santé ou la sécurité de sa/son partenaire, il n’est pas nécessaire d’exposer les détails d’une précédente relation.

● Que nous initions ou refusions une relation sexuelle, nous ne risquons jamais de faire face à une réaction négative contre-productive de la part de notre partenaire.

● Nous sommes d’accord pour attester de notre loyauté et fidélité mutuelle, et si nous sommes ouverts au polyamour il est important de s’entendre sans ambiguïtés sur la possibilité de vivre notre sexualité en dehors de la relation.

● Nous nous engageons à agir en conséquence afin de réduire les risques de grossesse non désirée et de maladies sexuellement transmissibles.

● Le cas échéant nous nous devons d’en informer immédiatement notre partenaire.

● Nous sommes d’accord pour nous soutenir mutuellement pour faire face à toute situation difficile occasionnée par nos rapports sexuels.

Une fois que vous et votre partenaire vous êtes bien entendus sur les lignes directives à adopter au sein de votre vie sexuelle, il est bon de considérer les possibles conséquences néfastes au cas où ces règles communes seraient carrément ignorées ou non respectées avec le soin et l’attention requis.

Manifestations de la mémoire traumatique

Bien que vous et votre partenaire ayez mis en place un cadre sécurisant pour votre vie sexuelle, vous serez encore confronté.e en tant que survivant.e aux manifestations de votre mémoire traumatique liée à la violence subie. Que ce soient des flashbacks, des sensations de nausée, de douleur, de peur, de tristesse, d’anéantissement, ou la dissociation, la frigidité, ces réactions pénibles à vivre vont peu à peu diminuer en fréquence et en intensité. Votre guérison prend du temps, ne désespérez pas !

Afin d’accueillir ces manifestations, il est essentiel lors de leur survenue de cesser immédiatement toute activité. Prenez le temps qu’il faut pour réaliser que vous êtes en proie à votre mémoire traumatique. Si cela est possible essayez de déterminer ce qui a pu la déclencher.

Votre priorité est alors de vous sentir en sécurité à nouveau, vous pouvez essayer de vous concentrer sur votre souffle en respirant calmement et profondément. Ainsi vous contribuerez à ramener doucement votre esprit et votre corps dans le moment présent, en reprenant conscience de votre environnement. Rappelez-vous que désormais vous n’êtes plus en danger de vivre aucune violence sexuelle. Par le biais de tous vos sens, établissez le contact avec tout ce qui vous entoure. Que voyez-vous ? Qu’entendez-vous ? Quels objets pouvez-vous toucher autour de vous ? Ainsi vous vous ancrez, ici et maintenant, où vous êtes à présent en sécurité.

Dès que possible, ayez soin de bien vous reposer afin de récupérer de cette expérience épuisante pour le corps et l’esprit. Lorsque vous vous sentirez prêt.e à considérer l’élément déclencheur de la crise, voyez s’il est possible d’agir sur cet élément afin que vous n’y soyez plus confronté.e ou bien pour ne plus être heurté.e de cette façon. Vous pouvez par exemple changer la configuration de l’espace de votre chambre, ou convenir avec votre partenaire d’éviter ce qui dans vos rapports a pu réactiver votre mémoire traumatique. Vous pouvez aider votre partenaire à vous aider lors des crises, en discutant ensemble de l’attitude à adopter qui serait bénéfique pour vous afin de traverser ensemble ces moments délicats (qu’elle/il interrompe ce qu’elle/il fait pour vous accorder son attention bienveillante, vous tenir sans ses bras ou juste s’asseoir à côté de vous, vous parler ou rester silencieux). Demandez-lui d’être attentif.ve aux signes auxquels elle/il pourra reconnaître en vous une manifestation de votre mémoire traumatique, et qu’alors il cesse aussitôt toute activité sexuelle.

Conclusion

Le processus de guérison de sa sexualité est un long chemin à parcourir lentement, pas à pas. Cela nécessite d’y consacrer beaucoup de temps et d’énergie, en alliant patience inconditionnelle, autocompassion et détermination. Il est particulièrement important de ne pas s’isoler mais au contraire de chercher du soutien.

– Contacter une association de survivants animant des groupes de parole

– Se faire accompagner par un thérapeute formé à la psychotraumatologie et expert en matière de violences sexuelles (un thérapeute non formé s’avèrera tout à fait inutile et/ou dommageable de par son ignorance de ces questions cruciales)

– Construire sa propre expertise sur la question des violences sexuelles grâce aux ressources scientifiques, sociologiques, juridiques… (Comment ne pas citer la très excellente Muriel Salmona et son ouvrage « Le livre noir des violences sexuelles »)

Il s’agit de se reconstruire après avoir été anéanti, de (re)trouver en soi le sentiment d’Unité, c’est à dire éveiller notre capacité innée d’homéostasie : L’homéostasie est l’expression de la vie elle-même qui tend vers la joie, la pleine santé, l’harmonie. En voici la définition du dictionnaire Larousse : « Caractéristique d’un écosystème qui résiste aux changements (perturbations) et conserve un état d’équilibre. »

Vous méritez une sexualité qui soigne, qui célèbre votre pouvoir, qui permet à votre être de s’exprimer tout entier. Malgré toutes les difficultés que ce cheminement implique, soyez intimement assuré.e qu’il vous guidera vers la joie de vivre l’épanouissement de votre sexualité libérée des violences subies.

Par Dame Effraie

Ressources

Incest and Sexuality : A Guide to Understanding and Healing by Wendy Maltz

The Survivor’s Guide to Sex : How to Have an Empowered Sex Life After Child Sexual Abuse by Staci Haines

The Courage to Heal : A Guide for Women Survivors of Child Sexual Abuse by Ellen Bass and Laura Davis

Victims No Longer : The Classic Guide for Men Recovering From Sexual Child Abuse by Mike Lew

A website by the Sexual Health Network on sexuality and sexual recovery.

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