traumatisme relationnel complexe
TOUS LES PETITS FRAGMENTS : COMPRENDRE LE TRAUMATISME RELATIONNEL COMPLEXE
Il n’y a pas de croissance sans ressenti réel. Les enfants qui ne sont pas aimés pour ce qu’ils sont n’apprennent pas à s’aimer eux-mêmes. Grandir est un exercice pour plaire aux autres, pas pour s’épanouir au travers de l’expérience. En tant qu’adultes, ils doivent apprendre à prendre soin de leur propre enfant perdu. » – Marion Woodman
Il y a deux semaines, j’ai écrit un article sur la maltraitance des enfants, dissipant spécifiquement l’idée que la maltraitance des enfants est « juste » de nature physique. J’ai évoqué la façon dont la maltraitance des enfants peut également prendre une forme émotionnelle, psychologique, verbale et / ou de négligence par sa nature et j’ai fourni des exemples de ce à quoi cela peut ressembler. Dans l’article d’aujourd’hui, je veux aborder le sujet des conséquences de la complexité de cette maltraitance, en particulier quand elle a lieu sur une période et dans un contexte de relation avec un parent ou un représentant légal. Il s’agit de ce qu’on appelle « un traumatisme relationnel complexe » qui peut avoir un impact profond sur les enfants et les adultes qu’ils deviendront. Je donne ci-dessous un bref aperçu de ce qu’est un traumatisme relationnel complexe, comment il se produit, quels peuvent en être les symptômes et les conséquences, et je propose une liste vérifiée de ressources documentaires que vous voudrez peut-être consulter si vous êtes concerné par un traumatisme relationnel complexe.
Qu’est-ce qu’un traumatisme relationnel complexe ?
« Contrairement à d’autres formes de troubles psychologiques, le problème central des traumatismes est la réalité. » ― Bessel A. van der Kolk
Tout d’abord, permettez-moi d’être claire sur le fait que les traumatismes relationnels complexes ne sont pas un diagnostic officiel du Manuel des diagnostics et statistiques des troubles mentaux (le DSM -Diagnostic Statistical Manual), guide clinique de la communauté de la santé mentale). Néanmoins, les traumatismes relationnels complexes et les symptômes qui les accompagnent ressemblent tout à fait au SSPT qui, lui, se trouve dans le DSM. (Cependant, un traumatisme relationnel complexe peut et est d’ailleurs parfois utilisé en lieu et place de termes et descriptions tels que le SSPT complexe, le traumatisme du développement et le traumatisme interpersonnel.)
Pourquoi le traumatisme relationnel complexe n’est-il pas dans le DSM ?
Il y a probablement beaucoup d’explications, mais, personnellement et professionnellement, je crois que l’une d’elles est que le DSM – bien que précieux – ne prend parfois pas en compte l’ensemble du spectre humain et de nos expériences relationnelles compliquées ce qui, par conséquent, le rend incomplet. Donc, pour les besoins de cet article, je vais utiliser le terme « traumatisme relationnel complexe », l’expliquer de manière anecdotique (puisqu’un diagnostic officiel fait défaut) et fournir une symptomatologie qui ressemble le plus à celle du SSPT ainsi qu’à ce que j’ai vu et compris cliniquement.
Encore une fois, qu’est-ce qu’un traumatisme relationnel complexe ?
Un traumatisme relationnel complexe est de nature interpersonnelle et se produit dans le contexte de relations d’attachement étroites, généralement lorsqu’il y a un déséquilibre de pouvoir. En d’autres termes, cela est susceptible de se produire dans nos relations primaires avec les parents, les soignants, les tuteurs ou ceux qui ont de l’autorité et un grand contrôle sur nous (par exemple, le chef d’un pensionnat ou le directeur d’un orphelinat) où il y a une accessibilité à l’enfant ou à l’adolescent, et un niveau de dépendance de la victime à l’agresseur. Les traumatismes relationnels complexes concernent des périodes prolongées et ne sont pas des cas isolés, ce qui signifie qu’ils se produisent plus d’une fois généralement sur une période de temps donnée, ce qui les rend ainsi cumulatifs. Ainsi, un traumatisme relationnel complexe ne se termine pas nécessairement dans l’enfance : il peut y avoir les mêmes agresseurs ou des auteurs différents : votre père peut avoir été l’agresseur et vous passerez ensuite à une série de relations abusives avec des hommes. Un traumatisme relationnel complexe est, en fait, tout ce qui sape, rabaisse ou amenuise la dignité, la sécurité et le bien-être de la personne qui le traverse. [Des exemples d’événements qui peuvent conduire à un traumatisme relationnel complexe sont décrits dans les scénarios de mon article précédent : il peut s’agir d’expériences avec des soignants ou des tuteurs qui sont fondamentalement chaotiques, instables, dangereuses, incohérentes, imprévisibles et accablantes. Ou encore de cas d’exposition à la violence domestique ; d’être confrontés à des personnes qui devraient prendre soin de vous et sont négligents, apathiques ou émotionnellement indisponibles ; des parents qui vous trahissent ou ne parviennent pas à vous défendre ou répondre à vos besoins ; des parents atteints de maladies mentales (parent narcissique par exemple) ou sujets à des dépendances, etc.] Ce sont ici des exemples de qui et de quoi peut contribuer au développement d’un traumatisme relationnel complexe chez un enfant et un adulte.
Mais qu’est-ce qui rend ces expériences relationnelles traumatisantes ?
Ce qui suit est essentiel : lorsque les enfants subissent des traumatismes et du stress, ce n’est pas nécessairement le traumatisme lui-même qui devient le problème. Si un enfant a des accompagnants solidement liés, à l’écoute, aimants et cohérents qui peuvent l’aider à assimiler le stress, à l’organiser et à lui donner un sens, il peut alors traverser plus ou moins bien, de manière fonctionnelle, un traumatisme ou un facteur de stress. Cependant, si le traumatisme ou le stress surviennent dans le cadre de la relation d’attachement avec le parent ou l’accompagnant, l’enfant, dans ce cas, ne peut pas compter sur l’adulte pour qu’il l’aide à intégrer et gérer le stress. Ou bien, si le traumatisme ou le stress se produisent en dehors de la relation d’attachement, mais que l’adulte ne parvient toujours pas à aider l’enfant à le gérer, à en guérir ou à s’en remettre, celui-ci développera probablement des réponses inadaptées et compensatoires pour appréhender l’expérience vécue de manière simple, parce que, en tant qu’enfant, il n’a pas les ressources et les capacités d’adaptation pour faire beaucoup plus. Les réponses inadaptées sont nombreuses et variées, mais, principalement, si elles sont ignorées et non traitées, elles peuvent conduire l’enfant à devenir un adulte qui aura des croyances et des comportements faussés sur lui-même, sur les autres et sur le monde. Alors, à quoi peuvent ressembler ces croyances et comportements faussés ?
Impacts sur la personne qui traverse un traumatisme relationnel complexe
« La maltraitance et la négligence envers les enfants sont la cause la plus évitable de maladie mentale, la cause la plus fréquente d’abus de drogues et d’alcool, et un contributeur important aux principales causes de décès telles que le diabète, les maladies cardiaques, le cancer, les accidents vasculaires cérébraux et le suicide. » ― Bessel A. van der Kolk
Les impacts d’un traumatisme relationnel complexe sont vastes, variés et propres à la personne qui en fait l’expérience. Aucune description toute faite n’existe. Il est tout à fait possible que deux enfants, qui grandissent dans le même foyer où le traumatisme relationnel a eu lieu, aient des réponses très différentes en raison de nombreux facteurs, y compris, mais sans que cette liste soit exhaustive, le tempérament et les ressources de l’enfant, la durée et l’intensité de l’exposition au traumatisme, le type de traumatisme et le soutien dont il a bénéficié pour le gérer, etc. Donc, tout cela pour dire que, bien qu’il n’y ait pas de recette unique pour savoir quels peuvent être les impacts d’un traumatisme relationnel complexe sur un individu, il y a, selon la symptomatologie du diagnostic DSM du trouble de stress post-traumatique (SSPT), et aussi selon ce que j’ai vécu et compris cliniquement, une liste de résultats possibles et probables :
– Blessures d’attachement et développement d’un style d’attachement autre que sécurisé
– Distorsions cognitives (croyances erronées ou non constructives sur soi-même, les autres et le monde) et / ou pensées intrusives
-Comportements d’évitement pour minimiser le contact ou la répétition des événements ou scénarios qui ont causé la détresse
-La dissociation, une incapacité à se souvenir des traumatismes ou à rester mentalement présent lorsqu’on y réfléchit et qu’on en discute
-Les impacts somatiques tels qu’un système nerveux hyper-excité, une tension musculaire, des troubles du sommeil ou autres sensations corporelles inconfortables
-Difficultés interpersonnelles dans les relations amoureuses, au travail, avec les amis, les voisins, la famille d’origine, une sensation d’être détaché et séparé des autres
-Troubles comorbides (concomitants) tels que des troubles de l’alimentation ou liés aux substances, des schémas de comportement compulsifs et autodestructeurs tels que la scarification ou des mœurs légères, ou encore un possible trouble de la personnalité ou de l’humeur
-Détresse émotionnelle et dérèglement de l’humeur (soit trop d’accès, soit trop peu d’accès à l’émotion et difficultés à exprimer correctement cette émotion)
-Déficiences liées aux exigences de la vie, comme réussir à garder un emploi, créer un environnement domestique stable, bien gérer son argent, atteindre ses objectifs de développement relationnel, scolaire et professionnel, etc.
Et bien que cette liste ne soit pas exhaustive, vous pouvez voir que les impacts d’un traumatisme relationnel complexe peuvent effectivement s’avérer néfastes dans la plupart des domaines de la vie. D’où le titre de cet article de blog « Tous les petits fragments », car c’est souvent ainsi que le survivant d’un traumatisme relationnel complexe voit sa vie : fragmentée, brisée, éclatée, malsaine dans de si nombreux domaines. Maintenant, aussi difficile que cela puisse être de commencer à se remettre d’un traumatisme relationnel complexe de l’enfance, je pense personnellement et professionnellement que c’est tout à fait possible et que c’est l’un des voyages les plus intéressants que l’on puisse faire.
Guérir d’un traumatisme relationnel complexe
« Tant que vous gardez des secrets et supprimez des informations, vous êtes fondamentalement en guerre contre vous-même… La question cruciale est de vous autoriser à savoir ce que vous savez. Cela demande énormément de courage. » – Bessel A. van der Kolk Pour les personnes aux prises avec des traumatismes relationnels complexes et les cliniciens qui travaillent avec elles, il peut être, très franchement, parfois difficile d’identifier et de comprendre que vous avez affaire à des antécédents de traumatisme. Beaucoup de symptômes de traumatismes relationnels complexes cohabitent avec des troubles de l’humeur et de la personnalité et peuvent même ne pas être décelés en cas de trouble comorbide (comme la boulimie ou le trouble panique), ou si un contexte passé de traumatisme n’est pas identifié par l’une ou l’autre partie. Il est important, si vous pensez que vous vous reconnaissez dans cet article ou dans ce concept de traumatisme relationnel complexe, d’en parler à votre thérapeute. Lorsque nous mettons en lumière les choses telles qu’elles sont réellement, cela nous donne une meilleure chance de travailler sur elles. En effet, pour se remettre d’un traumatisme relationnel complexe, il y a beaucoup de travail à fournir. La récupération est et sera, pour beaucoup, un travail multidimensionnel car la blessure elle-même est multidimensionnelle. Il y a la composante de blessure relationnelle et le besoin de guérison relationnelle qui, je crois, peut survenir dans le cadre d’une expérience sûre, solidaire, à l’écoute et réparatrice avec un professionnel qualifié (comme un thérapeute) ou avec un ami cher ou un partenaire amoureux très attaché. Il y a le niveau somatique du travail, c’est-à-dire la nécessité de réguler le système nerveux et le corps, de leur réapprendre que le monde est sûr et de les aider ainsi à se calmer et à réagir de manière appropriée quand il y a un problème. Il y a le niveau cognitif du travail qui comprend la répétition et la narration, créatrices de sens, ainsi que la sollicitation de souvenirs et d’histoires, ou encore la formation et l’intériorisation de nouvelles croyances plus constructives sur soi-même, les autres et le monde. Il y a le niveau émotionnel du travail, l’apprentissage ou le réapprentissage de la régulation émotionnelle, l’expression émotionnelle, même la capacité d’identifier les émotions du corps. Et il y a, je crois, un travail sur les compétences de vie qui a peut-être fait défaut ou a été entravé par la complexité du traumatisme relationnel. Comme gérer son argent judicieusement, rechercher et faire progresser une carrière, avoir des habitudes d’hygiène et prendre soin de soi de manière autonome, bref, apprendre la myriade de compétences complexes qui peuvent mener à une vie pleine et entière. Je crois vraiment que la meilleure façon de commencer à se remettre d’un traumatisme relationnel complexe est de rechercher un soutien professionnel, idéalement avec un clinicien qui connaît bien les traumatismes.
Source
Traduction de courtoisie par F.Koubla depuis AnnieWright