Vers un usage thérapeutique du MDMA

L’homologation de la psychothérapie par MDMA pour le SSPT irait à l’encontre de l’image de drogue récréative.

Les arguments sur les bienfaits et les risques de la 3,4-méthylènedioxyméthamphétamine (MDMA) comme médicament thérapeutique durent depuis des décennies, une partie de ping pong intellectuelle qui ne semblait jamais prendre fin. Mais un éminent chercheur sur les psychédéliques estime que la fin de l’année 2021 devrait marquer le passage de la MDMA du statut de drogue récréative vers celui de médicament prescrit légalement.

La phase 3 de la recherche sur la psychothérapie par MDMA pour le syndrome de stress post-traumatique (SSPT) a débuté en novembre dernier, et le Dr Rick Doblin ne se heurte plus aux objections passées qui ont fait stagner les progrès vers une utilisation thérapeutique du MDMA.

« Nous nous concentrons sur le syndrome de stress post-traumatique, dont souffrent beaucoup d’anciens combattants « , a déclaré le Dr Doblin, fondateur et directeur exécutif de la MAPS. « Les données montrent que 20 vétérans se suicident chaque jour. Les antidépresseurs ISRS ne fonctionnent pas bien avec ce type de groupe. Il y a un énorme vide à combler, et ces gens sont hautement estimés. »

Cette année, lors du Psych Congress, le Dr Doblin présentera une session sur le processus de développement de médicaments du MDMA et les considérations pratiques pour l’intégration du médicament dans le traitement de la santé comportementale. La décision de la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis d’accorder le statut de Traitement Révolutionnaire à la psychothérapie assistée par la MDMA a accéléré le processus qui a commencé avec des études exploratoires il y a presque 20 ans.

Des chercheurs comme le Dr Doblin, qui sont convaincus que la MDMA a de multiples usages dans les soins médicaux et dans le développement personnel, ont vu leur cause entravée à plusieurs reprises au fil des ans, comme en 1985 lorsque la Drug Enforcement Administration (DEA) a décidé en urgence de déclarer cette drogue illégale. Les théories sur son potentiel thérapeutique dans les années 1970 avaient cédé la place aux préoccupations concernant l’utilisation de la MDMA (nom argot: Ecstasy) par les jeunes pour leurs soirées nuits blanches.

« C’était une drogue thérapeutique avant d’être une drogue festive », a déclaré le Dr Doblin, qui a cherché au cours de sa carrière à développer des contextes juridiques pour un usage bénéfique des psychédéliques et de la marijuana, principalement comme médicament mais aussi pour un développement personnel dans une population essentiellement en santé. La MDMA a été utilisée par le passé dans le cadre de thérapies de couple et pour soulager l’anxiété de mort chez les patients atteints de cancer, explique-t-il.

Lorsque dans les années 1990, le National Institute on Drug Abuse (NIDA) a déclaré qu’il appuyait la reprise de la recherche humaine sur le potentiel thérapeutique de la MDMA, peu ont cru qu’une entité se permettrait de faire ce que les compagnies pharmaceutiques n’ont pas fait en raison du manque des protection par brevet d’un médicament inventé plus de 100 ans auparavant. « Ils ne pensaient pas au MAPS, » dit le Dr Doblin.

Il a ajouté que la recherche a toujours cherché à tester le médicament parmi les patients dont les troubles étaient les plus problématiques. Les patients de la Phase 2 avaient reçu un diagnostic de SSPT depuis 19 ans en moyenne, a-t-il précisé. Et dans la Phase 3 de la recherche, pour laquelle les sponsors ont fait un don de $34 millions, un binôme homme/femme composé d’un psychiatre, ou d’un praticien agréé, et d’un étudiant travaille avec chaque patient atteint de SSPT.

« C’est une équipe qui fonctionne bien et qui ressemble aux bons parents que beaucoup de ces patients n’ont pas eus, » dit le Dr Doblin.

La psychothérapie assistée par MDMA est dispensée en trois séances de 8 heures espacées d’un mois. Les participants reçoivent le traitement, séjournent une nuit dans le centre de recherche et suivent une séance de 90 minutes le lendemain pour intégrer ce qu’ils ont appris le jour précédent.

La première de ces 3 séances consiste à administrer la MDMA à raison de 80 mg, suivie d’un dosage de 40 mg deux heures plus tard. La deuxième séance porte les deux dosages à 120 mg et 60 mg, et à la troisième séance, le dosage est basé sur la réponse des participants lors des séances précédentes. Le Dr Doblin est d’avis que la norme sera de 2 séances.

Les résultats les plus importants de la Phase 3 de la recherche seront la modification des symptômes du SSPT mesurés au moyen de l’échelle CAPS (Clinician-Administered PTSD Scale), la seule qui soit validée par la FDA pour évaluer un traitement médicamenteux pour le SSPT, dit le Dr Doblin.

Le Dr Doblin indique qu’à la mi-juin 2019, environ 30 des 200 participants prévus pour la Phase 3 de la recherche étaient déjà inscrits.L’équipe de recherche négocie actuellement une extension d’accès qui permettrait à un plus grand nombre de patients d’avoir accès à la psychothérapie assistée par MDMA le temps que la phase 3 avance, et ce avant que l’approbation finale soit donnée. « D’ici fin 2019, nous devrions être en mesure d’ouvrir des cliniques à accès étendu « , a déclaré le Dr Doblin.

MAPS prévoit que les traitements psychothérapeutiques avec MDMA bénéficient de l’approbation de la FDA d’ici la fin 2021.

Le Dr Doblin s’attend à devoir examiner de nombreux aspects suite à l’approbation de son usage lors de son exposé au Congrès de psychologie, notamment la Stratégie d’évaluation et d’atténuation des risques (REMS) qui régirait l’utilisation de la MDMA et les exigences de formation pour les personnes chargées de la thérapie assistée par médicaments.

Il a dit avoir observé un changement de mentalité à l’égard des psychédéliques au sein d’une grande partie de la profession médicale.

« Je vois beaucoup de jeunes psychiatres et d’internes qui souhaitent s’impliquer ; ils sont fascinés par cela, » dit le Dr Doblin. « Il y a un énorme épuisement professionnel chez les psychiatres, qui sont las de passer seulement 15 minutes avec un patient et de devoir sans cesse ajuster leur médication, tel un simple employé de l’industrie pharmaceutique. Il y a un désir ardent d’aller au-delà de cela. »

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