Cannabis et souvenirs traumatiques
Le cannabis produit par notre propre corps nous aide à oublier les souvenirs traumatiques
Résumé : L’anandamide, un composé endogène produit par le corps, intervient dans la réversibilité de la mémoire des évènements traumatiques. Cette découverte pourrait mener à de nouveaux traitements pour le syndrome de stress post-traumatique.
Source : Université de Leyde
Le composé endogène anandamide – que l’on appelle également la cannabis – agit en effaçant les souvenirs de l’événement traumatique. Ce phénomène a été découvert par une équipe internationale dirigée par le chimiste Mario van der Stelt de Leyde. Les résultats ont été publiés dans Nature Chemical Biology et pourraient constituer le point de départ du traitement des troubles de l’anxiété tels que le SSPT.
Le cannabis dans votre cerveau
Lorsque vous fumez un joint, l’ingrédient actif THC vous permet de vous sentir détendu. Mais il y a aussi des effets secondaires, tels qu’une augmentation de l’appétit et une perte de mémoire. Le professeur de physiologie moléculaire Mario van der Stelt s’est posé les questions suivantes : « Qu’en est-il du cannabis de notre corps ? Est-ce qu’il a un effet similaire? ». Il a commencé à se poser ces questions il y a cinq ans et a décidé de lancer un programme de recherche pour le découvrir. Deux ans plus tard, en 2020, lui et son équipe sont les premiers au monde à inhiber la production d’anandamide dans le cerveau, révélant ainsi sa véritable nature : elle nous aide à oublier les souvenirs traumatiques et réduit le stress.
Des bras robotiques à la rescousse
La recherche a débuté en 2015 lorsque Elliot Mock, premier auteur de la publication et candidat au doctorat, et Anouk van der Gracht, étudiante en maîtrise, ont réussi à isoler la protéine NAPEPLD. Cette protéine est responsable de la production d’anandamide dans le cerveau. L’étape suivante consistait à trouver un composé qui empêche cette protéine de fonctionner – l’idée était que l’inhibition de la production d’anandamide leur permettrait d’étudier son rôle biologique.
La découverte d’une telle substance s’est avérée être un véritable exploit. M. Van der Stelt s’est tourné vers l’ELF de Oss, aux Pays-Bas, qui a été cofondée par son groupe de recherche en 2013 et qui est spécialisée dans le criblage rapide de centaines de milliers de substances. Il a d’abord dû obtenir l’approbation de l’UE avant qu’un système entièrement automatisé puisse commencer à rechercher le composé qui inhibe la protéine. « En fait, cela a impliqué 350 000 mini réactions, dont chacune avec une substance différente », explique M. Van der Stelt. « Ils l’ont fait avec l’aide de bras robotisés de l’industrie automobile. Il n’a fallu que trois jours pour cribler 350 000 substances, très impressionnant ».
Deux ans de travail en laboratoire
À la fin du criblage, il s’est avéré qu’une molécule prometteuse bloquait la production d’anandamide. « Mais cette molécule n’était pas encore prête », dit Van der Stelt. « Alors Elliot s’est mis au travail. » Mock a optimisé la molécule et, avec plusieurs étudiants, a passé deux ans à synthétiser plus de 100 analogues – des molécules qui diffèrent légèrement les unes des autres. L’un d’entre eux a finalement révélé la fonction de l’anandamide dans l’organisme.
« Nous avons ensuite commencé à travailler avec la société Roche Pharmaceuticals pour déterminer si notre molécule optimisée atteignait le cerveau, une condition essentielle. » Les modèles cellulaires avaient alors déjà identifié l’analogue qui fonctionnait le mieux, et les chercheurs l’ont nommé LEI-401. Roche a ensuite confirmé que LEI-401 atteignait effectivement le cerveau. « Ensuite, avec des chercheurs des National Institutes of Health (NIH) aux États-Unis, nous avons cherché à savoir si notre substance fonctionnait vraiment dans le cerveau. Cela s’est avéré être le cas », explique M. Van der Stelt.
Au bout de trois ans, la voie était enfin ouverte pour répondre à la question cruciale : Quel est le rôle physiologique de l’anandamide ? Cette fois, M. Van der Stelt a fait appel à des partenaires au Canada et aux États-Unis pour étudier les effets physiologiques de la réduction des niveaux d’anandamide dans le cerveau. « Dans les modèles animaux, le LEI-401 a eu pour effet de ne plus effacer les souvenirs traumatiques. En outre, le niveau de corticostéroïdes était élevé et une région du cerveau responsable de la coordination de la réponse au stress était activée. On a pu en déduire que l’anandamide est impliqué dans la réduction de l’anxiété et du stress ».
Une nouvelle voie
Les recherches de M. Van der Stelt ouvrent la voie à de nouvelles méthodes pour traiter les troubles anxieux tels que le SSPT. « C’est un point de départ pour le développement de nouveaux médicaments. Comme nous avons désormais démontré que l’anandamide permet d’oublier les angoisses, les entreprises pharmaceutiques peuvent se concentrer sur une nouvelle voie. Et deux options s’offrent alors à elles : chercher des molécules qui stimulent la production d’anandamide ou chercher des molécules qui réduisent sa dégradation ».
Endocannabinoïdes
La substance active du cannabis est connue depuis les années 1960 : leTHC. En 1990, on a découvert une protéine qui joue un rôle dans les effets psychoactifs du THC. Il s’est avéré plus tard que la présence de ces protéines n’est pas due au hasard. L’organisme produit des substances semblables à celles du cannabis : les endocannabinoïdes. En 1992, le chimiste israélien Raphael Mechoulam a identifié l’anandamide comme le premier endocannabinoïde. Les endocannabinoïdes interviennent dans toute une série de processus allant de la sensation de douleur à l’appétit, la mémoire, la tension artérielle et le mouvement. Deux endocannabinoïdes sont actuellement connus : l’anandamide – objet de cette recherche – et le 2-AG.
À propos de cet article de recherche en neurosciences
Source : Université de Leyde
Contacts pour les médias : Service de presse – Université de Leyde
Recherche originale : Accès fermé – « Découverte d’un inhibiteur NAPE-PLD qui module le comportement émotionnel chez les souris ». par Elliot D. Mock et al. – Nature Chemical Biology doi:10.1038/s41589-020-0528-7
Traduit et adapté par courtoisie depuis Neuroscience news.com