temps et traumatisme
Le traumatisme détruit le temps
La personne traumatisée vit dans une réalité étrangère.
« Mais je ne suis plus l’un d’entre eux. Ils sont là-haut, sur la surface de la terre ; je suis ici-bas, au fond d’un puits. Ils possèdent la lumière, alors que je suis en train de la perdre. Parfois, j’ai l’impression que je ne retrouverai peut-être jamais le chemin de ce monde, que je ne pourrai plus jamais ressentir la paix d’être enveloppé dans la lumière… Ici-bas, il n’y a pas de saisons. Le temps lui-même n’existe pas » – Haruki Murakami, Chroniques de l’oiseau à ressort
Murakami décrit de manière saisissante la façon dont les traumatismes perturbent brutalement la linéarité et la cohérence de la temporalité ordinaire et quotidienne, ce sentiment que le passé se prolonge vers un avenir ouvert. Les expériences de traumatisme émotionnel sont figées dans un présent éternel dans lequel on reste à jamais piégé, ou auquel on est condamné à être perpétuellement renvoyé par les frondes et les flèches de la vie. Suite aux traumatismes, toute durée ou linéarité s’effondre, le passé traumatique devient présent, et l’avenir perd tout sens autre que celui d’une répétition sans fin. Parce que le traumatisme modifie si profondément la structure universelle et commune de la temporalité, la personne traumatisée vit littéralement dans un autre type de réalité, un monde expérientiel ressenti comme incommensurable avec celui des autres. Le fait de ne pas pouvoir comparer son expérience à celle des autres contribue ainsi à créer le sentiment d’aliénation et d’éloignement qui habite généralement la personne souffrant de traumatisme, face aux autres êtres humains . Dépouillé du tissu communautaire de l’être dans le temps, le traumatisme se trouve isolé du dialogue humain.
Auteur – Robert D Stolorow est un psychanalyste et philosophe, connu pour ses travaux sur la théorie de l’intersubjectivité, la psychanalyse post-cartésienne et les traumatismes émotionnels
Traduit par courtoisie : Psychology today